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Editrice au bord de la crise de nerfs
1 décembre 2007

Ce qui ne tue pas rend plus fort

chocolatIl m'a croisée dans le couloir. Il a dit bonjour puis a continué son chemin vers son bureau, le même depuis vingt ans. Il s'est ravisé. M'interpelle : "Editricencrise, vous avez 5 minutes ?". La nuit tombe, j'ai faim, quelques pièces dans la main pour acheter un Kinder bueno. Je le suis. Grand, maigre, costume sombre. Il referme la porte sur moi. Je suis encore sur le seuil quand il dit "Il faut qu'on arrête"... L'instant d'après devant son bureau, grand, sombre, debout entre deux chaises. Je ne songe pas à m'assoir. Il ne pensera que plus tard à m'y inviter. "Il faut qu'on arrête votre collection "L'air du temps", vous avez-vu les chiffres, une catastrophe". Il attend une réponse. Aucun son ne sort de ma bouche. C'est du chocolat terriblement sucré et collant qui devrait être en train d'y fondre. Rien, du vent, de l'atmosphère de fin de journée se dépose sur ma langue. Je pose les yeux sur le bureau, le touche du bout des doigts, est-ce du cuir qui le recouvre ? "Vous stoppez tout, tous les contrats non signés, il faut faire du chiffre !" Peut-être du skaï. Je regarde dehors, la nuit est tombée. Dire quelque chose "Oui, c'est vrai, 4 mois en négatif, mais il est trop tôt. Seulement 2 titres sortis depuis mai, et vous arrêtez la collection ? 2 autres viennent de sortir, on n'a pas assez de recul." Défendre son point de vue, même s'il est déjà ailleurs "Vous êtes éditeur, vous savez qu'il faut du temps quand on veut toucher un nouveau public..." Près de sa femme dans sa maison avec jardin ? a-t-il une maîtresse ? je vois bien que je l'emmerde, il aimerait me balayer de la main comme on écarte de son visage un moucheron insistant "C'est deux ans de travail cette collection !" Je pense aux auteurs à qui il va falloir dire non après avoir dit oui. A ces mois de prospection, ces espoirs de succès. La dure loi du produit, ça marche ou tu crèves. "Vous savez, tous les éditeurs ont rencontré des échecs... moi-même..." C'est censé me consoler. Putain de métier. "Oui, mais il est trop tôt". "Du chiffre". Changer de métier.

Chocolatière ?

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Commentaires
E
@ bregman : "un livre, un chocolat" ? ... j'ai bien peur que le chocolat fonde et que cela cause bien des soucis aux libraires, qui en ont déjà beaucoup, des soucis... pourquoi pas un gode ? vulgaire, vraiment ? mais non voyons, comment on dit déjà, "y'a pas d'mal où y'a du plaisir"
B
Mais non mais non, découvrir de bons auteurs et lancer une collection qui gagne est un plaisir incomparable à la fade saveur d'un chocolat ! (ah non ?! hum ... bon, j'exagère, c'est vrai ... mais le chocolat est le plaisir des sens, et le livre, le plaisir de l'âme, non ? ce n'est pas important, ça, le plaisir de l'âme ?!)<br /> <br /> Faites donc les deux ! Lancez une collection : "un livre, un chocolat !" (vous verrez, ça se vendra ... comme des p'tits pains ! ;)<br /> <br /> bonne "faim" d'année ...
E
@ Gilles C. : Merci pour votre commentaire :-)<br /> Bel encouragement pour continuer...
G
De blog en blog, le regard survole et rarement se pose. Ici, si... Lu votre entrevue d'éditrice avec ce patron probablement sarkophile et professionnellement sarkophage, si justement et joliment écrite.<br /> Ce texte donne espoir en l'humanité pas toujours avachie, et envie de connaître cette pro dotée d'une âme...<br /> <br /> Gilles C.<br /> <br /> www.votrejournal.com<br /> et<br /> www.ruedesauteurs.com (en refonte).
E
@ carlogiuliani : n'écoutez pas (trop) les éditeurs, vous écrivez diablement bien
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