La forme et le fond (digression)
La forme
prend le pas sur le fond.
Le fond ça revient cher et ça se voit pas du premier coup. C'est vrai,
l'acheteur en librairie (on parle pas de lecteur, parce que ça, qu'il lise ou
pas, on n'en a rien à foutre, ce qui compte c'est qu'il achète) il se décide en
quoi ? quelques secondes ? allez minutes... Alors la couv.
("couverture" pour les gens) il faut qu'elle claque, que ce con il la
repère au milieu de toutes les autres daubes qui trônent sur la table des
nouveautés, que ça lui saute à la gueule, et puis qu'il lise bien le titre et
que le titre il reflète bien ce qu'il y a dedans (on est dans
l'ouvrage de non-fiction, on n'est pas là pour rêver)... Tiens, alors le con
s'approche, il pose son cabas par terre (le cabas c'est tendance, ça veut pas
dire que le con est une vieille), il retourne le bouquin, il lit la 4e de couv.
(le texte qui résume le contenu en gros, qui doit être super vendeur même si
des fois ça rime avec super menteur, he he), alors là, ça le démange méchant
dans le mains, il ouvre le bouquin (bingo, on y est presque), à l'envers
(alors, ça il faudra m'expliquer pourquoi les gens, ils feuillètent toujours
les trucs avec des pages à l'envers) et là, grand moment, il fait défiler les
pages à toute vitesse, comme pour se faire de l'air tellement il en peut plus,
comme s'il avait des vapeurs (mais non, c’est pas une vieille on vous dit), et
dans sa tête ça fait : « C'est chouette, oh c'est joli ça, ah tiens, mais
oui, oh ! ah ! tiens, combien ça coûte ? 14,99 euros ? ah
ah ah, ils me font le coup du prix psychologique, n’importe quoi, ils me
prennent vraiment pour un con (je confirme), comme si 1 centime ça changeait
tout… Tiens, ils sont à combien les autres ? 15 euros, putain c’est cher !
Bon, bon, allez, je me lâche, j’ai trop envie de customiser ma brosse à dents,
c’est vrai, c’est une super idée, 3 minutes par jour x 2 x 7 x… ah merde je suis
perdu, j’ai toujours été une bille en maths, bon allez, elle est où la caisse ? »